
Phénomènes Constatés
A) Une consommation de masse à bout de souffle :
Le groupe Auchan, bâti par Gérard Mulliez en 1961, dés ses origines, se démarque de ses concurrents autant de par son format que de par son positionnement qui en découle, en favorisant plutôt le format supermarché (dont la surface est comprise entre 400 et 2500m²), avec pour leur part pour objectif de mettre en avant la diversité et la grande largeur de choix de produits. C’est en effet, l’une des devises et volonté principales du groupe Auchan, un choix très large pour un même produit (Marques internationales, Marques nationales, marques régionales, Marques distributeurs, Petits producteurs, etc). Auchan compte aujourd’hui 408 Supermarchés (de 400 à 2500m²) et 127 Hypermarchés (2500m²) en France.
Et dans ce contexte hyperconcurrentiel, Auchan tend vers une stratégie de différenciation et ce par plusieurs moyens : offrir à leurs clients des produits aux prix les plus bas, l’émergence des Marques de distributeurs, la mise en place d’une nouvelle politique de médiatisation autour de la qualité des produits (partenariat « MasterChef ») ou encore la création d’Hyper spécialisés : Les Halles d’Auchan (4500 m² de surface de vente, dont 2/3 consacrés aux produits frais) et La Cave d’Auchan (espace entièrement dédié à l’univers de la boisson, environ 3 000 références alimentaires et non alimentaires, dont plus de 1 600 références de vin).
Concernant Auchan Vélizy, de type Hypermarché, où j’effectue mon alternance depuis bientôt trois ans, c’est un peu plus de 1000 collaborateurs, une surface de vente de 19700 m2, 100 000 visiteurs par semaine et un chiffre d’affaires de 260 millions d’euros[1] en 2015.
En d’autres termes, Auchan Vélizy est l’hypermarché réalisant le chiffre d’affaires le plus élevé de France avec de 600 000 à 1,8 millions d’euros par jour, mais il est aussi celui proposant le plus large choix de produits et références. En effet, autre pilier de la stratégie de l’enseigne : le choix. Auchan Vélizy propose pas moins de 90 000 références dans ces allées.
Après sa rénovation en 2010, Auchan Vélizy c’est près de 10 000 m² dédiés à l’alimentaire, dont 4 000 sur les stands produits frais traditionnels. Mettant en avant cette volonté propre à Auchan qui est de se poser en spécialiste. Installé sur 1 300 m², l’équivalent d’un supermarché, le rayon fruits et légumes est de loin celui qui a le plus profité de l’extension avec plus de 600 m² supplémentaires. En d’autres termes, tout est pensé afin d’offrir à nos clients toujours plus de choix.
Cependant aujourd’hui face à une clientèle exigeante le choix ne fait plus la différence. En tant que client il est toujours appréciable d’avoir la certitude de pouvoir avoir le choix, comparer, retrouver le produit difficilement retrouvable chez le concurrent et souvent motif de venue ou même de fidélisation mais parfois au détriment d’espace pour un produit en sous capacité en rayon voir même d’insatisfaction client face à trop de choix, trop de produits nuisant à la visibilité et à la lecture du client. Pour preuve, la direction Auchan France, impose depuis janvier 2016 un remodling de l’ensemble des magasins du groupe avec pour fil conducteur une liste de l’ensemble des produits de base que doit posséder chaque magasin de l’enseigne, tout produit hors de cette liste doit être retiré du rayon si l’espace ne permet plus son implantation[2].
Autre preuve plus marquante encore, car chiffrée celle-ci, bien que dénombrant sur l’ensemble de ses magasins pas moins de 1,5% de références de plus que ses concurrents, de nombreux chiffres viennent appuyer l’épuisement d’une telle stratégie une baisse du chiffre d’affaire, une perte de part de marché au détriment de la concurrence et surtout une perte de 1,5 millions de clients en 5 ans sur l’ensemble du groupe. En l’espace de deux ans, le groupe Auchan perd 2,7 % de son chiffre d’affaires, soit 234 millions d’euros, autrement dit l’équivalent d’un bel hypermarché. Alors que Carrefour voit les ventes de la plupart de ses hypermarchés du top 10 repartir à la hausse[3].
Autant d’indicateurs mettant en avant l’évolution de la demande et surtout de l’attente de nos clients moins sensibles au choix qu’à l’attention qui leur est portée.
B) Une clientèle en manque de connaissance et de reconnaissance :
Il faut savoir qu’en moyenne un hypermarché voit passer dans ses rayons pas moins de 7000 clients par jour, or pour un groupe comme Auchan qui compte 126 magasins dans ses rangs cela représente plus de 27 millions de clients à l’année. Un chiffre important mettant en avant un double constat, premièrement celui de la réelle importance de les satisfaire et deuxièmement l’ampleur d’une telle tâche qui est de satisfaire chacun d’entre eux avec chacun leurs propres exigences et attentes.
Or l’un de mes premiers constats fut que la relation client se fait de plus en plus rare en hypermarché. En effet, comme évoqué précédemment, en interne l’hypermarché est focalisé produits et résultats au détriment de cette relation. Bien que cela était l’un des objectifs lors de la création du système de la grande distribution, contrastant le commerce de proximité ou plus particulièrement les spécialistes, ce parti pris lui fait aujourd’hui de plus en plus défaut. D’un point de vue client, ce-dernier rencontre de plus en plus de difficultés à trouver conseil ou même tout simplement de l’aide en rayon. En tant que responsable de rayon je n’ai tout du long de ma formation reçu aucune recommandation afin de permettre à nos employés de rencontrer notre clientèle, ces derniers sont principalement focalisés sur l’entretien du rayon.
Or, si l’on se réfère à la dernière notation des hypermarchés sur notre territoire, pour 18 % des personnes sondées, la qualité de l'information produits (clarté et conseils) et pour 14 % d’entre eux, la qualité du relationnel (disponibilité et amabilité) sont les facteurs premiers agissant sur la satisfaction globale, autrement dit, plus d’un client sur trois sont sensibles à cette relation dite directe[4]. Autrement dit, nos clients ne vont plus simplement en hypermarché pour le choix et à contrario chez leurs spécialistes favori pour le conseil, ils veulent aujourd’hui retrouver cette combinaison en hypermarché.
Autre constat dans cette même lignée, les bornes d’informations ou les points d’informations humains se font de plus en plus rares, remplacés par des élargissements de rayons pour y intégrer toujours plus de produits. Mettant en avant ce paradoxe qui est plus de produits, pour plus de choix et ce pour un client qui s’y retrouve de moins en moins.
Qui plus est, autre fait majeur à considérer, nous devons depuis quelques années répondre aux demandes d’une nouvelle typologie de clients, la génération Y, qui n’hésite plus à comparer, à réclamer et surtout à changer et agir vite car le temps représente pour celui-ci une valeur importante. En outre, le consommateur d’aujourd’hui est beaucoup plus volatil que celui d’hier, il n’hésite plus à partir s’il n’est pas satisfait. Pour preuve depuis Janvier 2015 le groupe Auchan est en recul de 1,1 points sur la fréquentation client[5].
De surcroît, pour le client d’aujourd’hui, la relation qui s’établit avec l’entreprise est centrale. Outre remplir des fonctions économiques par l’obtention de produits plus appropriés à ses besoins, l’achat et la consommation répondent aussi à des besoins de nature sociale. Ce que recherchent les consommateurs, c’est d’entrer en relation avec d’autres par le biais de leurs achats, fait mis en avant par l’essor des réseaux sociaux, des objets connectés mais aussi des produits alimentaires connectés. En effet, Mondélez a créé l’un des tous premiers calendriers de l’avent digitaux[6].
D’ailleurs, la valeur de l’expérience d’achat est souvent perçue comme supérieure à la valeur de l’objet acheté. Les objets de consommation ont ainsi moins d’intérêt pour le consommateur que les identités et les liens sociaux qui les accompagnent.
De plus, autre fait et non des moindres, selon un sondage IFOP[7] fin 2013, 69 % des Français assimilent en effet les courses en grandes surfaces à une corvée.
Ensuite, comme vu précédemment, le secteur est « hyper concurrencé », il faut donc par conséquent sans cesse chercher à se différencier aux yeux du clients. On compte actuellement 8 acteurs majeurs qui pour 6 d’entre eux sont des groupes français. Dont, Carrefour, le n°2 mondial et leader du marché français avec 20% des parts de marché 2014.
En résumé, en hypermarché, ou dans le cas qui nous intéresse dans les hypermarchés du groupe Auchan, le client souhaite une plus grande présence, de l’aide, des conseils, autrement dit de la proximité, mais aussi une certaine valorisation, des offres lui correspondant mieux, c’est-à-dire une personnalisation de la relation et enfin que le fait de faire ses courses ne soit plus une corvée, mais qu’il puisse vivre une expérience.
Dans cette optique, le groupe Auchan cherche depuis Juillet 2015 à inverser ce fait notoire et ce par le biais d’un changement de communication, avec un nouveau slogan intégrant le client et ses attentes ou besoins au cœur de sa démarche : « Et vous la vie vous l’aimez comment ? », ou au travers de ses nouvelles publicités relevant la singularité de chacun et de ses attente suivant le nouveau fil conducteur du groupe baptisé CAP 2020 dont le but est « d’affirmer notre spécificité et notre différence en tant qu’entreprise proche de l’habitant et engagée pour le pouvoir d’achat de chacun. Être une marque au cœur de la vie des habitants. Nous ne voulons pas seulement satisfaire des clients mais servir des habitants » selon notre directeur national.
Comme nous l’explique ce-dernier, « le client, prospect ou suspect doit dorénavant être considéré comme un « habitant », personne qui vit, habite ou travaille près d’un magasin ayant des réponses à des attentes lui correspondant, ayant besoin d’un conseil, d’un contact humain, d’une écoute et dont l’avis doit être pris en compte au quotidien, il devient acteur majeur de son magasin ». En résumé, le client doit être considéré à part entière et le service que nous devons lui fournir doit être personnalisé.
Cependant, ces observations concernent la grande distribution en générale et le magasin au sein duquel j’effectue mon alternance n’en n’est pas exsangue.
En effet, ces observations le sont tout autant à Vélizy. Sur mon simple marché, le client doit parvenir à s’orienter parmi plus de 3000 références sucrées.
Ce mécontentement a été tout récemment mis en avant par le remodling que nous avons réalisé en juillet 2015. En effet, j’ai pu constater l’ampleur du problème lorsque bon nombre de clients ne trouvant pas leurs produits ni aucune aide, sortaient du rayon sans celui-ci ni aucun autre. Comme vu précédemment, le client d’aujourd’hui considère le fait de faire ses courses comme une corvée, s’il ne trouve pas son produit dans les trois minutes, il risque de ne pas le prendre et pire de quitter le magasin et d’aller faire ses courses ailleurs.
Pour palier à cela, il a été demandé à nos employés de prendre leur service une heure plus tard afin d’être présents sur le rayon deux après l’ouverture. Force est alors de constater que les questions, conseils et aides apportés sont nombreux et les clients en bénéficiant satisfaits, toutefois cette présence appréciée par nos clients n’est observable que durant la première heure d’ouverture de notre magasin.
En outre, la relation client apparaît alors comme l’un des points majeurs à développer par l’enseigne et tout autre entreprise, la focalisation sur le produit ou l’offre n’est alors plus suffisante notamment lorsque l’ensemble des concurrents du secteur en font de même et il devient alors nécessaire à la fois dans un soucis de différenciation mais aussi et surtout performance durable de remettre le client au cœur de la stratégie de l’enseigne.
C) Des outils au bout de leur potentiel ?
De plus, autre constat majeur, au vue de l’affluence au magasin de Vélizy, de la diversité client autant en terme géographique que social et professionnel, les outils et moyens employés restent bien trop suffisants, d’autant plus en pleine ère de la communication.
Le magasin de Vélizy, est un exemple d’innovations, le client a évidemment été au centre des préoccupations du magasin et le magasin de Vélizy a permis de tester de nouvelles innovations : La carte Waaoh (Carte Auchan), le Rapido ou le Drive pour les plus relevantes. À noter que le système du Drive, qui consiste pour le client à faire ses courses sur le site du magasin pour ensuite aller récupérer ses achats au Drive de son magasin, a été créé par le groupe Auchan et rapidement repris par ses concurrents.
Cependant, ces systèmes, bien que sources de nombreux apports et réussites pour l’enseigne à tel point que parfois même copiés pour certains comme évoqué précédemment, arrivent à leur limite d’exploitation dans cette période où les quantités d’informations clients nécessaires ne sont jamais trop nombreuses. Qui plus est, sans omettre le risque de cannibalisation des points de ventes physiques, engendrée par l’essor du système Drive ou encore su système de livraison à domicile. Car bien qu’entrant dans les chiffres du groupe, ces nouveaux systèmes d’achats impactent considérablement le nombre de clients en points de ventes et par conséquent la communication et la relation avec.
Cette parenthèse fermée et pour revenir aux limites d’exploitation des outils actuels, on constate en effet, que la carte de fidélité et les échantillons de clientèle auprès desquels des enquêtes sont parfois menées, restent des méthodes trop suffisantes pour définir au mieux nos cibles, cœurs de cibles et clients, leurs habitudes, satisfactions et insatisfactions, leurs parcours et autre afin de répondre aux mieux à leurs attentes.
En effet, la carte de fidélité apporte de nombreuses informations, telles que les coordonnées du client, le montant de ses achats, les produits achetés, la récurrence de ses achats et de venue en magasin, l’importance des promotions dans le poids total de ses achats, mais de nombreuses insuffisances apparaissent aujourd’hui. Tout d’abord en termes d’achats et de comportement d’achat il est impossible pour le distributeur de savoir précisément quel a été le parcours d’achat de son client, comment s’est-il décidé pour un produit plutôt qu’un autre, autrement dit, ses motivations d’achat, si celui-ci a rencontré des problèmes ou difficultés tout au long de son parcours d’achat, si des produits qu’il cherchait étaient manquants ou introuvables.
Ensuite, en terme de relation, ces outils ne permettent aucunement d’interagir avec le client et encore moins dans un moment essentiel, c’est-à-dire durant l’achat. Il est impossible, par le biais de la carte de fidélité ou encore des bornes présentes en magasin de le conseiller, l’accompagner et le guider. Qui plus est, sur le magasin de Vélizy, le client n’a à sa disposition que quatre bornes d’informations, pour environ 10 à 15 000 clients journaliers, il n’y a plus de personnel attitré à l’information client en magasin, regroupé aujourd’hui au point accueil du magasin, obligeant le client à ressortir du magasin pour toute information.
Et enfin, les outils utilisés pour le recueil et le traitement de l’information et lui aussi assez archaïque, c’est un simple logiciel de sémantique qui récupère les informations. À aucun moment cet outil, ne décrypte l’information, la relie à une autre ou n’est capable de la corréler à d’autres informations, corrélations qui pourraient permettre de personnifier notre client, le rendre humain et non plus une accumulation de chiffres. Pour exemple nous sommes nombreux après achat à avoir bénéficié de coupons de réductions pour des produits que nous n’achetons jamais et que nous n’achèterons peut être jamais.
À noter, que l’une des plus grosses opérations de notre magasin est portée par la « Foire aux vins »[8]. C’est une vaste opération sur deux semaines qui consiste à allouer une surface entière à la vente d’alcools et notamment de vins sur laquelle de nombreux conseillers spécialistes en vins sont mis à disposition des clients. Mise à disposition permettant à la fois un accompagnement pointu des clients et un réel retour sur les motivations d’achats de ces derniers.
En résumé, les moyens et outils actuellement employés en grande distribution apparaissent aujourd’hui trop suffisants à la fois pour le client en quête d’accompagnement et de valorisation et pour le distributeur en terme de connaissance de ses clients et par conséquent pas assez outillé et efficace afin de fournir l’offre la plus adaptée à la demande.
[1] Annexe 1: Logiciel PilotAuchan
[2] Annexe 2 : Note explicative de la Direction Générale Hypermarchés France des principes merchandising pour 2016
[3] Source : ttp://www.capital.fr/bourse/actualites/carrefour-le-benefice-augmente-de-plus-de-7-en-2015-legere-hausse-du-dividende-1107827
[4] Source : http://www.e-marketing.fr/Marketing-Magazine/Article/Relation-client-ou-en-sont-les-hypermarches--9952-1.htm
[5] Annexe 3 : Régression client du groupe Auchan France sur l’année 2015 (extrait logiciel PilotAuchan)
[6] Annexe 4 : Calendrier de l’avent digital du groupe Mondélez
[7] Source : IFOP sur le site : http://www.ifop.com/media/poll/2011-1-annexe_file.pdf
[8] Source : Article « le gros business des foires aux vins » sur http://www.capital.fr/foires-aux-vins-2015/actualites/le-gros-business-des-foires-aux-vins-2015-1064855
#Jonathan Rodrigues